Le collectif mène des actions de solidarité et de coopération avec l'association des Droits Humains d'Al Qarara, dans la bande de Gaza. Avec pour ocbjectif d'informer sur la situation et la culture palestinienne afin de contribuer à une paix juste et durable entre la Palestine et Israel.




Collectif Solidarité Palestine
Mairie de St Pierre d'Aurillac
124, av. de la Liberation
33490 St Pierre d'Aurillac

N° CCP : 1222435 S 022

Collectif   Solidarité

Al Qarara

Collectif Solidarité Palestine   Mairie de St Pierre d'Aurillac   124, av. de la Liberation  33490 St Pierre d'Aurillac

collectifalqarara@gmail.com

N° CCP : 1222435 S 022

La vie sous les bombardements
Des textes envoyés par Ibrahim.
Au 22 février 2024,  78  contes de réalité.

La vie sous les bombardements 1

Notre âne et son petit anon ont quitté notre village. Abu Zureiq a dit : « Laissez votre âne avec nous, je ne lui donnerai que de l'eau. » Il a eu un large sourire et a dit : « Je ne suis pas responsable des bombardements ". Nous lui avons souri en toute hâte, alors nous avons emmené nos moutons dans un autre endroit près du Darawsha. "Je vais les nourrir et les abreuver, et vous pouvez également être hébergé". Nous avons bu du thé fort et sommes partis au milieu des bombardements et la fumée  qui nous entourent de près et de loin.

La vie sous les bombardements 2

Il n'y a ni pain ni eau dans le refuge. Nos femmes sont dans la chambre 13, comme l'appelait le directeur du refuge. Quant à la grande tente, elle était transportée en charrette à âne, et ses piquets étaient plantés dans le mur du refuge, à proximité du couloir central de l'école, malgré la forte objection de l'administration du refuge. Un comité a nivelé le sol de la tente et un baril d'eau y a été ajouté. Un comité alimentaire a ajouté du gaz provenant de la maison d'Abu Ahmed pour préparer les repas et faire du pain, et un comité social pour surveiller les enfants et leurs bêtises de jeux dans un lieu où se trouvent des centaines d'enfants.  Quatre-vingts matelas ont été distribués à des milliers de personnes âgées, mais cela n'a pas suffi évidemment.

La vie sous les bombardements 3 Najwa

Le bombardement s'intensifie, il y a des nuages de fumée et de poussière, des pierres et des morceaux de fer  dans toutes les directions, le bruit de verres brisés, des morceaux de bois et des morceaux de corps partout qui ont fait disparaitre les traits de la rue et du lieu. Najwa et sa nombreuse famille ont fui vers le centre-ville. Après la fatigue de la journée, ils se sont installés au deuxième étage. Bruit, cris et chaos dans les lieux. Najwa a évacué en serrant sa petite fille dans ses bras, pieds nus. Deux heures plus tard, elle s'est enfuie suite à un faux rapport, répété deux fois en trois jours. Ils ont finalement décidé de rentrer chez eux dans le village après quatre jours de fuite d'un endroit vers un autre.

La vie sous les bombardements 4 Shiha refuse d'évacuer.

Shiha a donné naissance cet été à trois chiots dont un blanc et gris. Nous l'avons nommé Bayoud. Bayoud court après sa mère dans le champ en aboyant en imitant sa mère avec sa voix rauque. Il nous taquine avec une tendresse infantile, lève la tête  lorsqu'il entend un chien aboyer de loin, et nous laisse aller enquêter. Shiha et Bayoud restent près de nos terres agricoles, qui sont proches de la ligne d'armistice, et nous ne savons pas ce que sont devenu les plantations de menthe, ni le des milliers de plants de piment, qui ont été plantés deux semaines avant la guerre. Peut-être que Shiha et Bayoud gardent encore les lieux, ou ils ont été touchés par des obus d'artillerie et ont été blessés, ou peut-être que la vie nous permettera de les revoir et nous replanterons à nouveau la menthe et le piment. 




La vie sous les bombardements 5  Saber

  Il s'aventurait du lieu de refuge à l'abri de ses moutons, de chemin en chemin, de ruelle en ruelle pour rejoindre ses trois moutons afin de  les abreuver et les nourrir. Il regarde comment ils mangent alors que le rugissement des avions ne s'arrête pas et les bombardements ont lieu partout. Il les a regardés en leur disant adieu. Il ne les reverra peut-être plus. Il souri et se demande: Qui mourra en premier, moi ou mes moutons ? Peut-être que la vie sera longue et que nous survivrons mes brebis et moi et que je les sortirait paître l'herbe, et je chanterai les chants de la vie et des matins de ma jeunesse.


La vie sous les bombardements 6  Youssef et Hamad

Ils ont fui la village jusqu'au fond de la ville, avec leur petite radio. Ils ont loué une chambre difficilement. Youssef aime la musique, et Hamad suit de près les nouvelles de la guerre. Ils n'étaient pas d'accord. La cafétéria d'Abu Alhaj fonctionne dans la rue parallèle à leur salle des marchés. Youssef dit à Hamad : « Allons boire du thé » au café d'AlHaj. Ils montèrent les longs escaliers, ils s'assirent à une table dans un coin du café. Le café a été bombardé et Youssef et Hamad sont mort en martyrs avec quinze autres.


La vie sous les bombardements 7  Nadia

C'est ainsi qu'elle est née, avec une seule jambe et la moitié d'une main. Elle peigne ses beaux cheveux avec sa main droite. Elle écrit et dessine une rose et un grand arbre vert avec des oiseaux colorés et au-dessus  un ciel bleu clair. Elle dit à son institutrice: « Je veux devenir une scientifique de l'espace  ou au moins une experte en météorologie et en géographie. »  Dimanche après-midi, le bombardement a frappé leur maison. Ils ont cherché longuement et en profondeur Nadia, sous les pierres et les décombres. Lors d'un enterrement de sept personnes, Nadia a été renvoyée dans son monde. ________________________________________

La vie sous les bombardements 8  Mahmoud... 

Mahmoud  Tariq et Hassan Mahmoud, âgés d'à peine dix ans, étaient amis de guerre. Tariq a fui Al-Qarara, Hassan Wadi Gaza et Mahmoud a fui son quartier. La guerre et leur  passion pour le jeu les ont réunie. Entre les bombardements et les bombardements , ils jouaient au football, à la marelle et à la flûte. Personne ne demande à l'autre autre chose que son prénom. Maintenant il n'y a plus de file d'attente à l'école, pas de devoirs, pas d'électricité, pas de télévision, pas de Real Madrid et pas de championnat. Leur sacs sont dans la maison éloignée. ils ne pensent pas à la date de leur retour, ils n'ont pas le temps de s'occuper des détails ou de se faire dorloter.  Le ballon s'est éloigné et Mahmoud l'a rattrapé. L'avion a déversé sa lave. Ils se sont allongés par terre. Leurs vêtements se sont remplis de pierres et de poussière. Le lendemain, ils ont recommencé à jouer sans Mahmoud. 


La vie sous les bombardements 9  L'ami Abou Al Abd

  A deux heures du matin, ils sautent hors de leur lit, effrayés. De la fumée et de la poussière, et des petites pierres jaillissent comme des balles autour d'eux. L'explosion est violente. Les murs tremblent violemment comme un tremblement de terre, et des morceaux de fenêtres tombèrent. Du bruit et des cris ont été entendus dans les quatre directions. Abou Kamal a crié, demandant à tout le monde de se calmer. Un groupe de femmes s'est réfugié derrière le mur épais, craignant qu'un autre missile ne soit lancé, alors que le rugissement des avions remplit l'endroit.  Saeed  déclare "C'est la maison d'Abou Nawfal. " Alaa s'est rendu sur le site de l'explosion. La maison n'était qu'un seul tas. L'odeur de la poudre à canon remplissait l'espace. Les ambulanciers ont transporté les blessés et mis de côté les martyrs. Il n'y a pas de temps pour les mots ou les larmes. Sauf pour Abu Al-Abd, sa langue n'a pas cessé de prier jusqu'à ce que sa voix devienne rauque, mais il a continué à marmonner. Ses larmes coulaient comme une pluie en voyant son ami Nawaf démembré et couvert de sang. 


La vie sous les bombardements 10  Les moutons de Salem

Le canon bombarde, boum boum, des fragments sont dispersés dans l'air, Salem demande à tout le monde de s'allonger, met sa main au-dessus de sa tête, il n'y a pas de temps pour discuter. Salem s'est enfui au centre d'hébergement de Khan Yunis, sa femme et ses jeunes enfants ont fui vers la maison de leur grand-père dans la zone centrale. Le mouton et l'âne sont restés là-bas au loin dans la grange derrière la maison. Salem dormait et rêvait qu'il rentrait chez lui et donnait à manger et à boire à l'âne et au mouton. Le matin, il enfila sa veste noire, attacha ses vieilles chaussures et redressa son keffieh blanc. Il  a cherché pendant des heures et ne trouva ni sa maison ni ses moutons. Il retourna au refuge, fit la prière de l'après-midi et s'endormit.


La vie sous les bombardements 11 Nununis le chat.

Il a fait ses adieux à sa femme, à ses trois garçons et à sa fille, Reem. Il portait des matelas. Le chat, Nununis, a sauté seul sur le toit de la voiture. Les bombardements se sont intensifiés. De la fumée s'est élevée derrière la colline d'Abu Attiya et une épaisse couche noire de fumée s'est élevée entre les deux quinias géants. Le canon a tiré trois obus à l'ouest du village de Cheikh Hamouda. La voiture s'est précipitée vers le refuge. Le directeur du refuge a ouvert son ordinateur, a bougé ses doigts d'avant en arrière, de droite à gauche. Il a levé la tête. , a posé quelques questions et a pointé de la main gauche à travers la foule la salle 19. Reem a cachée Nununis dans un sac sous son bras et a diparu parmi les gens, au milieu d'un bruit sans précédent.


  La vie sous les bombardements 12  Joue joue


Le missile a rugi fort. C'était comme si le ciel s'était ouvert et une fumée noire montait. Umm Nader a dit : C'est la maison d'Umm Muhammad. Oh Seigneur, non, non. L'avion a fait demi-tour et a envoyé un autre missile vers la maison d'Adel. Hamida a crié : "C'est interdit, c'est interdit, vous nous avez massacrés."  Les martyrs et les blessés ont été transporté à l'hôpital voisin puis au cimetière. Les personnes en deuil ne se soucièrent ni des bombardements ni du rugissement des avions de reconnaissance.  Lina, la troisième fille, a crié à sa mère de lui ouvrir la porte pour qu'elle puisse sortir jouer, pour revenir peu de temps après en criant : « Fusée, fusée... sée...sée». Sa mère la serre  fermement dans ses bras, contre sa poitrine. N'aie pas peur, n'aie pas peur.


La vie sous les bombardements 13 La ferme d'Abou Al-Abd.

  Les jours passèrent vite avec Abu Al-Abd. Il se retrouva soudain âgé de près de quatre-vingts ans, mince et grand avec une petite moustache. Il aimait tout le monde surtout les enfants. Tous les gens du quartier l'adoraient. Il avait un vélo élégant. Son compagnon avait, comme il le dit, vingt ans. Il le répare lui-même. La ferme d'Abu Al-Abd est petite et très étroite. Elle a des arbres et des fruits, elle a une porte solide et une serrure en fer, et elle a une petite cabane, belle et spacieuse. La guerre a éclaté et les gens ont fui et sont allés chez leurs proches et dans des abris. Les voisins n'ont pas réussi à convaincre Abu Al-Abd d'évacuer. Tout le quartier était triste. Les vieux et les jeunes pleuraient. La ferme a été bombardée. Avec les bombes, Abu Al-Abd et sa ferme sont partis.

La vie sous les bombardements 14 De l'eau pour les enfants

L'eau est proche de l'ancienne mosquée, la route est brisée par l'intensité des bombardements, elle est pleine de nids-de-poule. Des drones tournent, portant la mort pour la distribuer gratuitement dans toutes les directions. Des F16 tournent pour se préparer à détruire une nouvelle maison, les enfants ont soif, sans thé ni lait, de maison en maison, ils se collent au mur à chaque explosion. La file d'attente vers l'eau est longue et les bombardements ne s'arrêtent pas. Une femme pleure fort, ses larmes coulent trempant son vieux châle. Elle rentre à midi avec un peu d'eau.

La vie sous les bombardements 15 L'histoire de Sami

Son fils unique, Kamel, est en première année à l'école. La vie est devenue dure pour Sami. Après bien des souffrances il a obtenu un permis de travail de trois mois pour travailler derrière le mur, à la périphérie de Gaza. La guerre a éclaté. Il a été arrêté parce qu'il était originaire de Gaza. Il a eu les mains et les pieds menottés. Il a été torturé et privé de sommeil. Ses mains ont pâli. Il a été suspendu dans les airs pendant de longues nuits. Il a été convoqué à plusieurs reprises pour un interrogatoire. Changé d'un endroit à un autre, on n'avait aucune nouvelle de lui, sa famille: son fils, sa mère et sa femme le croyait mort et l'ont pleuré amèrement. Quelques semaines plus tard, les soldats l'ont jeté à la frontière pour qu'il puisse retourner auprès de sa famille dans le centre d'hébergement.

La vie sous les bombardements 16 Du pain et du sang

La boulangerie a cessé de fonctionner. Les bombardements ont mélangé le pain avec le sang. La longue file d'attente a disparu. Les gens se sont dispersés pour chercher du pain. Salma a apporté du bois de chauffage et, dans l'étroite cour de la maison, elle a placé son vieux plateau sur le feu. Elle a essayé en vain de cacher la fumée montante ou du moins la limiter, car les drones surveillent et bombardent. Salma pose le pain sur le plateau, les mains tremblantes. Le bruit de l'avion se dirige vers les nuages, s'éloigne et s'approche. Salma a le cœur palpitant et elle crie pour éloigner les enfants. Peut-être que l'avion bombarderait, ou qu'il enverrait un message au canon derrière la ville à propos du bombardement. Les enfants attendent avidement le pain chaud, et les bruits des bombardements approchent. Salma récite des versets du Coran et des incantations, et demande au Seigneur d'arrêter la guerre et de mettre fin aux souffrances

La vie sous les bombardements 17 Conducteur de taxi,

Nassim est un vieux chauffeur de taxi. Il a une une vieille voiture Mercedes qui sera utile pour un nouveau musée de l'automobile. Nassim travaille jour et nuit, dans le froid et la chaleur, pendant la paix ou la guerre. Ses histoires ne finissent jamais. Il n'a pas porté de masque pendant l'époque du Covid, et il a continué à travailler. Il connaît les gens du pays un par un, jeunes et vieux, élèves des écoles et étudiants de l'université. La guerre a éclaté. Naseem s'est enfui avec sa voiture et il travaille au transport de ceux qui fuient la guerre vers les lieux refuges. Il transporte, sur sa voiture, des tapis et des bagages . Il les attache avec une corde solide. La pénurie de gasoil ne l'empêche pas de travailler. Il utilise l'huile de friture des falafels pour remplacer le gasoil.




La vie sous les bombardements 18  L'ordinateur portable de Nisreen

Nisreen, diplômée du département informatique, dans la vingtaine, est grande et belle, organisée et assidue. Elle est fière de son bel ordinateur, qu'elle a acheté après de longs efforts et de longues économies.
Pendant la guerre, elle a fui sa maison avec sa vieille mère. Elle s'est réfugiée, contre l'horreur des bombardements, sous une petite tente, à l'hôpital Al-Shifa. Elle s'est portée volontaire pour soigner les blessés venant de tous les quartiers de la grande ville. Elle écrit de ses doigts habiles, les noms des martyrs et des blessés. Son âme délicate ne supporte pas la vue des morceaux de corps. Elle essuie ses larmes de la main gauche, et parfois de lourdes larmes coulent, qu'elle essuie avec sa manche. Son élégant ordinateur stocke de nombreuses histoires, anecdotes et souvenirs.
Un mois après le début des bombardements Nisreen s'enfuit avec sa mère vers le sud, et pleure de chagrin. En passant devant un tank elle perd l'ordinateur et le sac, afin de se sauver vers l’inconnue.



La vie sous les bombardements 19 Ça chauffe, ça chauffe

Nadim est un enfant de cours moyen2. Il est obéissant et appliqué. Il adore étudier les mathématiques, et aime le football. L'après-midi, il aide son père dans leur petit magasin, et le vendredi, il va à la mer avec ses amis.
La guerre a éclaté. Des missiles sont  lancés. Le ciel se remplit d'avions. Les nuages noirs et blancs des explosions se mêlent aux nuages venant de la mer. Les gens, les chiens et les chats se cachent des bombardements. Nadim continue à courir dans la rue, riant et pleurant. À chaque bruit d'explosion, il lève les mains, criant à pleine voix: ça chauffe, ça chauffe, et toutes les  tentatives de sa mère malade, de sa famille et de ses amis de le persuader de se cacher, n'ont pas réussi.


La vie sous les bombardement 20  Dr Hamed


Le Dr Hamed est calme, comme le murmure de l'eau dans un lac profond, aussi doux que le bruissement d'un arbre solitaire dans un désert lointain. Hamed parle peu. Il ne parle que lorsque cela est nécessaire. Il évite  les discussions. Il ne déteste pas les gens, mais il n'est pas sociable. Sa maison est proche de la ligne d'armistice. C'est une belle et élégante maison, avec des arbres et un peu de roses et de fleurs autour d'elle. La maison a été bombardé pendant la première guerre. Il l'a restauré et embellit. Il a ajouté un nouveau lieu pour élever des pigeons, et a planté de nouvelles roses et fleurs autour d'elle. Pendant la seconde guerre, la maison a été bombardé. Sa famille et lui ont miraculeusement survécu. Il a, alors, décidé de construire une autre belle maison, loin de la ligne d'armistice, au milieu de la ville. Il a donc construit une maison spacieuse bien organisée disposant de nombreuses commodités. Durant la dernière guerre, la maison à côté de sa nouvelle maison a été bombardée, détruisant sa nouvelle maison et la rendant inutilisable. Le médecin a été choqué et a pleuré jusqu'à l'épuisement.  Sa vieille mère l'a pris dans ses bras et ils ont pleuré ensemble.

La vie sous le bombardement 21

Je suis tout seul

Père, mère, frère, sœur, oncle et tante, papiers, certificats, attestations et contrats de vente. Il ne reste de la maison que des petites pierres. Les panneaux solaires ce s'en envolait et sont tombé sur le toit de la petite maison de la vieille Sobha. Ils ont détruit sa maison et l'ont tué.

Muhammad crie en regardant le ciel: je suis seul, je suis seul. Pourquoi ne m'as-tu pas pris Seigneur ? Que vais-je faire ? Où puis-je aller sans maison et sans famille. Il crie et se souvient de sa famille un par un.

Les gens ont cherché Muhammad partout, et ils ne l'ont pas trouvé.

La vie sous les bombardements 22
Imad Al Wahid
Au rez-de-chaussée vivent grand-père et grand-mère, au premier étage vivent l'oncle Khaled, sa femme et ses cinq enfants, au deuxième étage vivent la veuve Saada et ses deux enfants Nagham et Saad, au troisième étage vit le plus jeune fils, Imad, son père, sa mère et ses quatre sœurs.
Le docteur a dit: Vous allez bien maintenant, Imad. Vous pouvez sortir. L'infirmière Nada a pleuré jusqu'à sangloter et a dit : « Où ira-t-il, Dr Imad », après la destruction de sa maison, il est le seul survivant ?

La vie sous les bombardements 23

Aïcha
Aisha mène une vie simple, à l'est du village, dans une maison amianté, avec son mari Nasser, handicapé incapable de bouger. Les deux enfants sont au collège. Aisha travaille comme femme de ménage dans une institution internationale. Elle entend parler des droits de l'homme, des droits de l'enfant et de la Cour internationale de Justice et de la CEDEAO.  La guerre a éclaté, les chars ont envahi le village et la maison s'est effondrée. Le mari est mort et sa chaise roulante s'est brisée.
Aïcha crie et frappe avec ses mains la voiture de la Croix Rouge. C'est ça les valeurs humaines que vous nous avez répétez inlassablement? Sortez de ce village. Sortez, espèce de menteur.

La vie sous les bombardements 24
Saleh prend d'assaut la frontière.
Pour la première fois, il a franchi la ligne d'armistice. Depuis vingt ans, il voit les bananiers au loin, il voit les fortes lumières qui ne s'éteignent jamais et il voit le ballon avec son appareil photo, suspendu dans le ciel. Il voit les pigeons et les oiseaux, qui franchissent la ligne d'armistice le matin et reviennent avant le coucher du soleil. Chaque matin il voit l'armée patrouiller avec ses chenilles et ses chars interrompant le calme des lieux. Il entend les coups de feu et les balles tirées pour chasser les bergers qui s'approcheraient de la frontière. Saleh aspire à découvrir cet inconnu.  Ce jour-là, sans hésiter, il partit avec d'autres rebelles pour traverser la ligne d'armistice. Il aperçut les arbres, les ballons et les lumières vives. Il erra dans le champ de bananes, mais il n'est pas revenu.

La vie sous les bombardements 25
Boutique utile
Sa petite boutique, au coin de la longue rue, vend des bonbons aux enfants. Nafi a soixante-dix ans, il est petit et maigre. Il n'arrête pas de rire. Il raconte les mêmes blagues et rit comme si il les entendait pour la première fois. Tout le monde l'aime et se rappelle ses blagues.
Pendant la guerre, les gens ont fui. Ils transportaient autant de matériel qu'ils pouvaient et cherchaient des endroits plus sûrs. Nafi n'a pas écouté les conseils des adultes et des enfants et n'a pas quitté son petit magasin. Avec le premier obus, Nafi s'est enfuit vers le mur le plus proche, et avec le second, Nafi est parti. Ses plaisanteries sarcastiques sont restées sur toutes les lèvres.



La vie sous les bombardements 26
Le bassin à menthe
Hassana a cinquante ans. Elle est très croyante. Elle croit que sa vie a été écrite par Dieu en détail. Hassana n'a pas eu d'enfants. Elle est généreuse, joyeuse, aime complimenter les gens et participe à toutes les occasions.
Pendant la guerre, l'occupation a menacé à plusieurs reprises de démolir sa maison. La famille a emporté quelques-uns de ses biens et a fui. Elle cherchait un endroit sûr. Sa sœur Samia a essayé de la convaincre de partir, en lui disant que l'occupation est raciste et meurtrière, et elle a une longue histoire de massacres et d'assassinats  d'enfants et d'adultes, mais Hassana a insisté pour rester dans sa maison. Elle se réveille tous les jours, prie, nettoie la maison, prépare à manger et arrose le bassin de menthe au bout de la maison.
L'avion a tourné dans le ciel, il a rugi et il a largué un gros missile de derrière les nuages. Hassna est morte en martyre. Sa maison s'est transformée en un tas de pierres et le bassin de menthe a disparu à jamais.

La vie sous les bombardements 27
Fabricant de four
Abdullah est mince et grand. Il a perdu beaucoup de cheveux quand il était jeune. Il a travaillé dans tout les métiers: forgeron, plombier,  concierge, charpentier, ou foreur. Abdullah adorait fabriquer des fours en argile. Il fabriquait les fours , et les faisait sécher au soleil dans la cour de sa maison. Il les vendait à des musées ou pour des événements patrimoniaux.
La guerre a éclaté. Les gens se sont précipités pour se réfugier dans les écoles et les hôpitaux. L’électricité, l’eau et le carburant ont été coupés, les boulangeries  bombardées par des avions et des canons. Les gens ont recherché Abdullah. Abdullah n’a pas arrêté de travailler. Il a ramassé de l’argile, construit des fours. Il se  déplaçait d'un refuge à l'autre.
Les gens étaient très tristes et pleuraient abondamment à cause du martyre d'Abdallah alors qu'il pétrissait de la boue au fond de l'abri.


La vie sous les bombardements 28
Naeem et la guerre
Naeem aime la politique, combat et discute argument contre argument, parle anglais et hébreu, en plus de sa langue maternelle. Il regarde "Al Jazeera" et "Russia Today".
  Naeem a fui pendant la guerre et s'est réfugié dans les murs de l'école de l'UNRWA, il discute et loue la résistance; maudit l'Amérique et la Grande-Bretagne; la France, Nasrallah et l'Iran. Avec chaque missile il chante: bombardes-moi du ciel, ton feu ne m'effraye pas. Au milieu de la nuit noire, un missile brutal a illuminé le ciel, tirant comme un diable sur le bâtiment élevé à côté de l'école. Les gens étaient terrifiés et les cris des mères et des enfants sont devenus très forts. Naeem s'est dépêché d'enfiler ses vieilles chaussures, pour sauver les martyrs et les blessés. Avec le missile suivant, les vieilles chaussures de Naeem se sont élevées vers le ciel et sont tombées au milieu de l'école.

La vie sous les bombardements 29
La brebis de Nima
La vieille Nima surnommée Al-Hajjah* a une seule brebis. Sa laine est belle, ses oreilles sont petites et ses yeux sont des billes noires. Des fils de laine  aux couleurs du drapeau sont enroulés autour de son cou. Elle les a tissé de sa laine douce, lisse et délicate.
La guerre a éclaté. Al-Hajjah s'est enfuie avec sa brebis. Le propriétaire du refuge a refusé de l'accepter, elle et la brebis. Al-Hajjah a construit une petite cabane sur le mur extérieur du refuge. Elle  nourrissait la brebis avec sa propre nourriture. Elle et la brebis font le tour de l'abri et ramassent des restes de nourriture et des feuilles tombées des arbres secoués par le vent. Le bombardement s'est intensifié autour des abris. Al-Hajjah a serré ses moutons dans ses bras et a commencé à crier et à pleurer en maudissant la guerre.

* surnom de celle qui a fait le pélerinage à la Mecque



Le 22 nov 2023 nouvelles d'Ibrahim


Il est difficile de nous contacter, nous allons bien. des bombardements ont frappé les alentours de la maison et ont tué 5 moutons et blessé 5 autres et nous n'étions pas là.
C'est une guerre très rude. Nous avons déjà changé 3 fois d'endroits. Si nous vivons, nous nous rencontrerons paisiblement avec nos amis.
Je vais bien mais je sens que le monde nous abandonne et que nous faisons face à des criminels sans pitié dans leur cœur.
Salam s'est déplacée avec sa famille à Deir al-Balah. Je lui ai rendu visite, elle va bien.
Sa maison à Gazaville a été bombardée, heureusement qu'elle n'y était pas.


La vie sous les bombardements 30
Professeur Noura
Noura est une enseignante intelligente, une militante sociale, créative dans son travail. Les élèves l'adorent et elle est l'amie de tous les enseignants.
La guerre éclate, les écoles sont fermées, les routes sont bloquées. L'armée ordonne aux gens de se déplacer du nord vers le sud. Noura s'enfuit avec sa petite fille, chez un parent. Après cinquante jours de bombardements est arrivé le cessez-le-feu. L'armée refuse qu'elle rentre chez elle. Elle se rassemble avec d'autres et ils scandent à pleine voix devant l'armée : "Laissez-nous. Ô meurtriers!" Noura était triste et pleurait à chaudes larmes lorsqu'elle a apprit par ceux qui restaient que sa maison a été bombardée.

La vie sous les bombardements 31
L'oreiller de Sahar
Il portait les trois matelas, la couette, les couvertures et l'oreiller de la petite fille Sahar. Fayez Al-Najjar, sa femme et ses enfants étaient heureux. Le cessez-le-feu a commencé il y a quelques minutes. Les bombardements ont cessé. Ils vont rentrer chez eux aujourd'hui, après cinquante jours. Ils vont déjeuner là-bas, chez eux. Ils vont  allumer un feu de bois et préparer du thé. Tout le monde se sentait joyeux, comme si c'était un matin de fête. Ils n'ont pas trouvé la maison, et ils n'ont pas non plus trouvé le chemin de la maison. Les arbres et les oiseaux avaient quitté les lieux. Les bombardements avaient touché tout le quartier. Le père a dit : "Nous ne retournerons pas au refuge. Nous déjeunerons et dînerons ici, et nous ne retournerons pas au refuge même si nous allons mourir".

La vie sous les bombardements 32
Abou Saleh
Les habitants du quartier ont de nouveau fui. Eux et leurs proches venus du nord ont cherché de nouveaux endroits où s'abriter. Ils se sont dispersés. Certains d'entre eux se sont rendus à l'hôpital, à l'école ou dans des quartiers éloignés qu'ils pensaient plus sûrs. Mais Abou Saleh en a assez des déplacements, de la terreur et de la peur. Il a insisté pour rester dans le quartier. Il suit les bruits des bombardements ici et là, voit la fumée qui monte, caresse les chats, et surveille les pigeons qui ont perdu leurs tours, et leur boussole pour les champs du voisinage. Il ressent la dureté de la vie, écoute le rugissement des chars qui s'apprêtent à prendre d'assaut les lieux, réfléchit à la façon de mourir. Après le passage du premier obus qui a bombardé le bâtiment voisin et dont la partie orientale s'est effondrée, il a pensé à la vie et à sa valeur, s'est remémoré sa vie et ses beaux souvenirs et s'est endormi.

Sous bombardement 33
La fumée monte.
Faire du pain demande des efforts et du temps, mais les bombardements ne s'arrêtent pas, et le drone surveille les lieux, planant dans le ciel tel un faucon pèlerin, suivi de loin par l'avion A-16, se préparant à de nouveaux bombardements qui rivalisent avec les bombardements d'artillerie depuis la terre et les bombardements depuis la mer. C'est  la confusion. Faire l'actualité est mêlé à la peur de la mort et de l'inconnu. Qui s'occupera de sa fille unique ? Qui célébrera l'obtention du diplôme de Mohammed. Qui plantera le blé et récoltera les dattes? La fumée du pain se mélange à la fumée des bombardements. Elle laisse le pain brûler et se sauve de la mort.

La vie sous les bombardements 34
Abou Karim*
Après vingt ans, le premier enfant est arrivé. Tous les habitants du village ont fait la fête, une grande fête, dans une grande salle au centre de la ville. Les gens ont dansé et chanté, mangé et bu, et Abu Karim reçoit les gens sans se départir de son sourire.
Pendant la guerre, Abou Karim a fui du nord de la bande de Gaza vers le sud et s'est installé dans un site de l'UNRWA où il travaillait. Sa femme  Oum Karim** a dit : « Je vais fuir en Égypte. » Abou Karim a déclaré : " Nous mourrons avec le peuple. " La mère de Karim s'est enfuie, mais l'avion lui a envoyé à elle et à ses accompagnants des bombes meurtrières pour qu'Abou Karim reste un nom sans garçon.

*   père de Karim
** mère de Karim

La vie sous les bombardements 35
Al-Komi
C'est un homme d'une cinquantaine d'années, assis par terre, pieds nus, pleurant et riant, déprimé et optimiste, peut-être pour la première fois de sa vie. Sa famille, et lui vivent dans une maison d'une seule pièce, avec une grande porte, et sans fenêtre, sans chambre à coucher, sans salle de bain et sans électricité ni eau.
Al-Koumi possède une chaîne de restaurants de fèves et de falafels et plus de trente tours dans la ville de Gaza, dont la moitié a été détruite. Al-Soussi envisage de quitter le pays, mais il n'a ni l'argent ni le prestige.  Les chars ont pris d'assaut sa propriété et il s'est enfui du nord au sud, juste avec les vêtements qu'il a sur le dos, à la recherche de quelqu'un pour le recevoir et lui fournir de la nourriture et de l'eau.

La vie sous les bombardements 36
Thé, thé
Le feu de bois, la théière, les clients attendent et attendent. Certains sont partis. Les bombardements ont repris. Ils sont nombreux et s'en moquent. Ils regardent la fumée qui monte. Du thé, du thé. Il appelle les clients qui arrivent et repartent.Thé sans menthe. Thé sans sauge. Thé avec peu de sucre. Le bombardement approche. Il quitte le feu s'enfuit avec la théière.


La vie sous les bombardements 37
Chargement du téléphone
Une semaine s'est écoulée et le téléphone est éteint. Il n'y a pas de lieu pour le recharger. L'électricité est coupée, la centrale solaire voisine a été bombardée et ses morceaux se  sont dispersés aux quatre coins. La centrale de la mosquée voisine est  au complet et il y a des querelles ici et là. Rawia attend devant un groupe d'hommes et de jeunes. Elle attend que quelqu'un lui cède son tour pour recharger son téléphone. Elle attend et elle pleure. Elle veut se rassurer sur la maison de sa famille qui a été bombardée.

La vie sous les bombardements 38
Biscuit
Il n'y a pas de pain, pas d'eau et pas d'argent. Les enfants ont faim et la situation est plus que mauvaise. Il entend parler d'aide mais ne voit rien venir. Il attend son tour du lever du soleil à son coucher, puis il retourne à ses enfants les mains vides.
Salem a attendu le camion d'aide humanitaire et a volé des paquets de biscuits. Au lever du soleil, il les a vendus au marché à la porte du camp et a acheté dix kilos de farine. Les enfants ont ri et ont mangé du pain.

La vie sous les bombardements 39
Nassim voyage avec sa famille d'un endroit à l'autre, et finalement il atteint la frontière égyptienne. Il examine le mur, ramasse du bois de chauffage, prépare à manger et à boire. Il s'introduit par effraction aux point de contrôle et cherche des restes: une vieille porte délabrée, une chaussure ou un sac laissé par un soldat en fuite, ou encore une veste pour le protéger du froid de la nuit. Une explosion se produit, les gens se précipitent vers lui et retrouvent les restes du corps de Salem éparpillés un peu partout.

La vie sous les bombardements 40
perte
Pour la première fois de sa vie, il porte le bâton de combat, non pas pour défendre la patrie, mais seulement pour défendre le pain qui avait disparu du marché. Les boulangeries sont fermées et leurs propriétaires se sont enfuient pour se mettre à l'abri. Les magasins et Les commerces publics ont presque disparu et se sont vidés sauf, de certaines choses oubliés. Les gens ont appelé leurs enfants à réduire leurs repas et à se contenter de peu de pain. Certains d'entre eux sont partis  dans les stations balnéaires du passé, espérant trouver de quoi étancher leur soif et les satsfaire.

Le 14 décembre 2023
La vie sous les bombardements 46
Amena
Elle a la peau foncée, a des sentiments délicats, n'a ni fils ni fille, connaît toutes les nouvelles du pays, ses trois moutons, qui peuvent augmenter ou diminuer selon les circonstances ou la situation, prie beaucoup, a une prière spéciale pour  chaque occasion, aime tout le monde et n'a pas d'ennemis, rend visite aux voisins si il y a une occasion ou sans occasion. Toutes les maisons lui sont ouvertes. Le quartier lui est ouvert. Elle ne fait de mal à personne. Les enfants l'adorent. Ils l'accompagnent parfois pour écouter ses intéressantes chansons traditionnelles.
La guerre a éclaté. Amena n'a pas pu déplacer ses moutons vers un endroit sûr. Elle s'est échappée avec difficulté. Amena a essayé de revenir nourrir ses moutons. Elle a levé les deux mains devant le tireur d'élite. Le corps d'Amena est resté allongé sur le sol au milieu de la longue rue, jusqu'à ce qu'il se décompose.

La vie sous les bombardements 47
Abu Khaled
Muhammad Abu Khaled est un agriculteur qualifié. Il n'est jamais allé à l'école. Il se réveille à l'aube, arrache et sème, va du champ au marché, et du marché à la maison. Abu Khaled est "neutre", ni du Fatah ni du Hamas, ni à gauche ni à droite. Il ne comprend que l'agriculture et le marché; les conditions météorologiques et le changement des saisons. La guerre a éclaté. Abu Khaled n'a pas fui, et n'a pas obéi aux avertissements et aux menaces de l'armée. Sa femme et ses enfants ont fui. Abu Khaled travaille dans les champs. L'eau et les boissons manquent. Abu Khaled a voulu aller au puit d'Abu Hassan à proximité, et la dernière chose qu'il a entendu ce sont les rires des soldats. Abu Khaled est resté pendant des semaines serrant le sol contre lui. Après avoir saigné sa vie s'est envolée.

La vie sous les bombardements 48
L'idiot
Le Dr Fouad est diplômé d'une université américaine. Il s'est marié là bas. Il s'est disputé avec sa femme, qui a divorcé. Il est retourné au pays. À chaque occasion, il défend l'Amérique et sa sage gestion du monde. Elle garantit la sécurité dans les mers et les océans, dans les forêts et les déserts. Elle est avec le progrès et le monde libre. Elle préserve l’ordre mondial, la démocratie et la liberté de l'homme.
La guerre a éclaté. La fumée monte de partout. Les routes sont fermées. Les gens  meurent,  les jeunes comme les adultes, les femmes ainsi que les enfants. Fouad refuse de partir. Il dit en souriant : "Je suis américain et j'ai un passeport valide. Je  reste chez moi. Vous pouvez fuir comme vous voulez". Les gens ont ri quand ils ont vu que Fouad lever son passeport, avec sa main droite, devant le tireur d'élite en criant : " Arrêtez de tirer, espèce d'idiot, je suis  Américain. Je  suis Américain." Ce furent ses derniers mots.

La vie sous les bombardements 49
Samia
Elle a attendu son fils, Luay, pendant vingt ans. Elle n'a que lui au monde. Elle l'a accompagné à l'école. Elle a travaillé dur pour lui acheter les plus beaux vêtements. Elle lui achète un nouveau vélo chaque année. Elle a choisi de vivre avec lui au centre de la grande ville, pour qu'il soit instruit par les professeurs les plus qualifiés. La guerre a éclaté. Samia a fui avec Luay et a habité sous une petite tente près de la frontière. Louay n'a pas supporté les difficultés de la vie et le manque de nourriture et d'eau. Louay est tombé malade et n'a pas trouvé de soignant, il est mort.


À l'occasion de Noël et du Nouvel An, j'adresse nos chaleureuses salutations à tous nos amis et leurs proches. Nous leur souhaitons des joyeuses fêtes et une vie heureuse.
Bonne année et salutations spéciales à Samia et à son cher mari Guy, à l'Association Solidarité avec Alqara à Saint-Pierre d'Aurillac, à la commune et tous ses citoyens, ainsi qu'à tous nos amis
de Palestine 33.
Ibrahim
Le 24 décembre 2023

La vie sous les bombardements 53
L'âne a été volé
Umm Suleiman est étudiante, employée, agricultrice et éleveuse de moutons et de poulets. Son emploi du temps quotidien est long mais très réglementé.
La guerre a éclaté et les bombardements ont atteint sa maison. Un obus perfide est tombé près de la maison et ses éclats ont été dispersés partout. Le toit de sa grange a été arraché. Um Suleiman était terrifiée. Elle s'est rapidement préparée à fuir. Elle a chargé ses treize moutons sur la charrette de son âne blanc aux grands yeux, tandis que ses fils ont transporté le reste des meubles. Durant le premier mois de la guerre, sa nouvelle grange a été bombardée. Cinq moutons sont morts, trois ont été blessés et son précieux âne a miraculeusement survécu . Elle s'est enfuie avec ce qui restait jusqu'à la frontière égyptienne et y est restée. Un matin Umm Suleiman n'a pas retrouvé son âne. Il avait été volé. Elle s'est  renseigné partout. Le quatrième jour de sa disparition, elle l'a retrouvé chez l'un des marchands. Umm Suleiman a combattu jusqu'à ce que tout le monde reconnaisse son droit. Umm Suleiman a serré son âne dans ses bras et l'a embrassé. Les gens ont ri. Les voisins se sont rassemblés pour la féliciter et des applaudissements ont secoué le camp de réfugié, pour le retour de son âne  sain et sauf.

La vie sous les bombardements 54
Sur la haute colline de sable, les poteaux d'éclairage sont disposés le long de l'axe  "Philadelphie". Ils éclairent les lieux, envoyant leurs rayons de l'Égypte à la Palestine. Ahmed a planté son coude dans le sable, et Salah s'est assis en tailleur, tournant sa tête vers le nord. Hassan était assis en silence comme s'il priait. Ahmed a dit : "Je vais mourir ici, c'est la gare. C'est la troisième et dernière station", et il a agité la main vers le nord. Quant à Salah, il pensait retourner à Al Qarara, de jour ou de nuit, en toute discrétion ou non. Et ce qui arrive, arrivera. Abu Hassan est silencieux, il réfléchit à la façon de briser le mur et d'atteindre ce bâtiment derrière les barbelés. La maison a été démolie. La femme et les enfants: que Dieu les garde dans sa miséricorde. Et la vie passe, elle approche de sa fin. Le ciel de Rafah s'illumine comme un éclair, à maintes reprises. Un bruit se fait entendre qui fait trembler la terre. Il y a un violent bombardement dans le camp de Shaboura. Tout le monde se retourne pour regagner leurs tentes, et se moquer des nouvelles décisions du Conseil de sécurité.

La vie sous les bombardements 55

Hajjah Khadra a dépassé de peu les soixante ans. C'est une agricultrice consciente et active qui plante et récolte. Elle comprend le temps et les saisons. Elle connaît toutes les herbes, les fleurs, les types d'oiseaux, les insectes, le sol, et la salinité de l'eau. Elle est veuve depuis plus de trente ans. Sa fille unique, Khadija, est partie à l'étranger et s'y est mariée. Son cher frère, Nayef, est professeur à l'université. Khadra pleure chaque matin en se souvenant de ce qui les nourrit et les abreuve: ses poules et la culture hors-sol de tomates variétée Kadar. Les jours passent, les fleurs s'épanouissent, le printemps commence et les plantes émergent. Khadra aimerait pouvoir manger de l'hibiscus et des poireaux. Elle espère apprécier l'herbe dans les champs, au bord des routes et près de la vallée. Khadra est tombée malade. À l'hôpital koweïtien de Rafah, les habitants de ma ville l'ont pleurée amèrement et ont maudit ce jour qui les a éloignés, eux et Khadra, de leurs maisons.

La vie sous les bombardements 56
Ihab
Il n'en était qu'à sa deuxième décennie. Mince, grand, et toujours souriant. Le magasin était grand et spacieux, plein d'activité et de bavardage, et le bruit constant des chariots. Les acheteurs attendaient leur tour à la caisse, poussant leurs chariots chargés de marchandises. Ihab les reçoit toujours avec plaisir et leur rend leurs salutations avec joie et satisfaction, tout en s'occupant à leur rendre la monnaie.
Les gens ont fui devant la gravité des bombardements. Le propriétaire du magasin est parti pour l'Égypte, après avoir payé un pot-de-vin important. Ihab distribue toujours ses sourires dans le camp de réfugiés de Rafah, tout en décidant de quitter le pays à la première occasion, peut-être pour distribuer des sourires là-bas dans un pays où il ne sait pas où il se trouve, ni comment y parvenir.

La vie sous les bombardements 57
Une tasse de café

Café du matin, café de l'après-midi, café léger, café turc, café brésilien. Autant de variétés et autant de rituels.
La guerre a éclaté. Les bombardements se sont intensifiés. Les gens ont pris ce qu'ils ont pu porter. Certains ont été interceptés par l'armée, ont été mis en ligne, levant les mains et remontant leurs vêtements jusqu'à la poitrine. Certains ont été tués, d'autres ont été arrêtés et torturés.
Ouday est arrivé au camp de réfugiés. Pendant une semaine ou deux, il n'a pas bu de café ni senti son odeur. Abu Al-Abd lui a dit: " le café manque. Cherches-toi plutôt une miche de pain ou une bouteille d'eau!"
Ouday a enfourché son vélo et il est parti chercher du café dans la vaste campagne. Il est entré dans une zone interdite. Un affrontement a éclaté et Ouday est revenu au camp terrifié, sans vélo et sans café.

La vie sous les bombardements 58

Naaman
Une petite radio, un casque sur l'oreille droite, Naaman n'arrête jamais d'écouter les informations, Al-Jazeera, Al-Ghad, Al-Arabi, Makan, Reshet, Beit et Qimel, ou Rishon.  L'après-midi, il met la radio de côté et se rend dans un coin du camp de réfugiés, analysant, expliquant, maudissant l’Amérique, l’OTAN, tous les Arabes et le Hamas.  Naaman travaillait comme chauffeur de bus en Israël. Il portait une chemise bleue et partait tôt le matin de Tel Aviv à Kfar Saba. Il écoutait des chansons en hébreu tôt le matin. Il surveillait la route et les passagers en silence. Peut-être que certains auraient refusé  de prendre le bus s'ils savaient que son arrière-grand-père était palestinien et qu'il était né dans ce pays.
Naaman rassure ses nouveaux compagnons du camp en disant : " ils sont en difficulté et bientôt nous retournerons chez nous. Nous regarderons la télévision et boirons du café, l'électricité reviendra et les petits-enfants retourneront à l'école".

La vie sous les bombardements 59

Le barbier du camp
Une chaise soutenue à droite et à gauche par des pierres, elle a été récupérée dans les restes d'une maison bombardée. Un jeune homme mince et élégant, de taille moyenne, avec une barbe qui a commencé à pousser, peut-être, il y a un an. Il a des dents blanches et toujours le sourire. Sur le sable blanc, il y a un lieu étroit pour attendre, ses  pierres sont tombées du bâtiment et ont été disposées spontanément. Quatre personnes sont assises. Ce sont des  hommes qui attendent leur tour pour se faire coiffer. Ils sont de Shujaiya, du camp de la plage, de Nusseirat et un autre d'Al- Qarara. Ils racontent des histoires douloureuses et tristes. L'un d'entre eux n'a pas pu terminer son histoire. Il a quitté la séance en couvrant ses larmes avec sa main. Les hommes l'ont suivi des yeux. Le barbier s'est arrêté un moment de couper les cheveux et a marmonné tristement des mots incompréhensibles, puis il a repris la coupe. Les hommes sont restés silencieux et suivirent une famille qui venait d'arriver, portant leurs meubles sur une charrette à âne. Ils semblaient être partie d'un endroit assez proche, mais ils avaient des traces de fatigue et de colère visibles sur leurs traits.

La vie sous les bombardements 60

Le fleuriste
Il se lève tôt, asperge d'eau devant le magasin de fleurs. Des fleurs qu'il plante avec sa femme, dans leur jardin plein de toutes sortes de fleurs. Il les transporte dans sa petite voiture jusqu'au magasin du centre-ville. Il les classe: jasmin, roses jaunes, rouges, roses... Il aime les voir et est fier d'être le seul vendeur en ville. Il connaît ses clients un à un et il dit: mes clients sont comme les roses de toutes sortes et de toutes formes.
Le vendeur de fleurs habite maintenant le camp de réfugiés à Rafah où il vit dans un petit endroit fait de plastique et de bois. Sa femme dit : " Dieu merci, nous allons bien et ne sommes pas morts. Si nous restons là, nous planterons des roses et construirons un nouveau magasin. "

La vie sous les bombardements 61

Le médecin
Le docteur, Abu Al-Tayeb, est toujours plein de tact et souriant, il fait des blagues sur les événements et écoute l'histoire d'une manière sarcastique et comique. Abu Al-Tayeb travaillait comme directeur d'une clinique médicale. Parfois, il travaillait du petit matin jusqu'au soir. Un char a bombardé sa clinique et sa maison. Abu Al-Tayeb a perdu sa maison et son travail, mais  n'a jamais perdu son sens de l'humour. Si vous éternuez en parlant, il se jette sur vous, en plaisantant, et il veut ouvrir votre bouche pour vous examiner. Il sort un thermomètre de sa poche pour prendre votre température si vous êtes contrarié par la discussion.
Abu Al-Tayeb suggère de creuser des tunnels pour que les habitants de Gaza puissent vivre sous terre, livrant ainsi la surface de la terre à l'occupation et mettant fin au conflit.

La vie sous les bombardements 62
Le testament
Ma sœur Amena, je n'ai pas de stylo pour écrire, ni d'électricité pour brancher mon ordinateur. Mon petit sac est tombé sous ce mur. J'ai peur. Tiens bon comme tu peux.  Dors toute la nuit. Manges et bois. Je ne peux pas supporter de vivre. Je suis détruite par le bourdonnement des balles, les craquements des canons et les restes des destructions qui remplissent l'espace autour de nous. Je sens que l'univers est plus petit que mon anneau. Écoute, Yamena, cherches le corps de mon frère. Enterre-le dans notre cimetière. C'est sans danger pour vous. Enterre-le là où ma mère a été enterrée. Ne le laissez pas dans cette foutue école. Informe le professeur d'université que le projet de fin d'études est prêt à être discuté et peut être appliqué dans n'importe quelle installation environnementale. Rend cette somme à mon amie Zainab. Je te conseille de bien traiter notre chatte. Baigne-la chaque semaine et achète-lui les biscuits qu'elle veut. Yamena écoute-moi, écoute-moi, écoute-moi.

La vie sous les bombardements 63
Mansour
Étudiant de première année à l'université, aux cheveux bouclés, Mansour est un joueur et un athlète, créatif et poli. Il fuit de guerre en guerre, travaille dans le camp de réfugiés sur une charrette à âne: il transporte les meubles des déplacés d'un endroit à l'autre,
porte une mère qui veut rendre visite à sa fille près de la mosquée Ali, une personne âgée à la clinique de l'UNRWA près de la mosquée Taiba, un jeune homme à la recherche de sa petite amie (il a entendu dire qu'elle s'était enfuie pour vivre dans le quartier saoudien), un chômeur à un hospice rue Al-Nas, une employée pour récupérer son salaire chez un agent de change près du rond-point de Zoroub, un adolescent pour acheter des cigarettes au rond-point d'Al-Awda, un chef de famille pour emmener sa femme chez son frère, et un manifestant qui cherche une tente depuis un mois.

La vie sous les bombardements 64

Encombrement
Les toilettes se trouvent dans le coin le plus éloigné du camp, quatre pièces adjacentes pour les hommes, et une structure similaire pour les femmes. Elle se glisse tranquillement. Pas d'oiseaux qui gazouillent, pas de coq qui chante. Elle entend le bruit des chiens, fatigués par la nuit, qui se préparent à dormir. Il est tôt le matin, il fait froid et la pluie se prépare à tomber. Il n'y a pas de papier et pas d'eau aux toilettes. La somnolence a disparu à cause  du bruit de l'avion suivi d'un bombardement et d'un énorme fracas puis  le bruit des ambulances . Ses enfants regardant autour d'eux en se réveillant. Ils disent on va aux toilettes? Elle répond oui on va aux toilettes avant la cohue.

La vie sous les bombardements 65

Saadia
L'officier supérieur, en uniforme blanc, aux cheveux noirs courts, avec des médailles sous la tête dont elle ne comprenait pas la langue. Un officier subalterne avec un cahier blanc long à la main. Autour d'eux cinq soldats indifférents. L'officier inspecte les barbelés de la main. Saadia derrière sa tente, étend les vêtements de ses enfants sur un arbre sans feuilles. Le cortège des soldats est silencieux, interrompu par quelques murmures, que le jeune officier ne manque jamais de noter.
"Hé officier, monsieur, bonjour. L'officier se retourne avec arrogance, tout comme l'officier subalterne et les soldats.
Monsieur l'officier, ne permettez à personne de couper ce fil. Nous ne vous haïssons pas, mais nous aimons notre pays. Que Dieu vous bénisse. Donnez vos ordres à vos soldats de ne laisser passer personne ici. Ils nous ont détruits, tués, ont démolis nos maisons, et nous ont poussés jusqu'à ces frontières, pieds nus et dévêtus." Elle a posé la main sur la tente en nylon. Vous voyez, a marmonné l'officier supérieur et l'officier subalterne a écrit et a continué.


La vie sous les bombardements 66

Horreur, peur et mort
La zone est assiégée. Le bruit des chars approche. Certains jeunes hommes ont fui et ont disparu au loin. Le bruit des balles a été entendu entre les ruelles. Les soldats ont crié aux haut-parleurs: "tous les résidents de l'école doivent se déplacer immédiatement, maintenant, maintenant, vers l'ouest, puis vers le sud". Les gens portent leurs enfants et une partie de leurs biens. Ils ont laissé beaucoup de choses derrière eux, dans leurs tentes. Il y a des chars à droite, des chars à gauche, qui  bombardent de temps en temps au-dessus de leurs têtes. Certains d'entre eux ont jeté leurs affaires par peur et par épuisement.
"Ouvres la carte d'identité, lèves-la en marchant, près de ton visage. Toi, toi et toi jusqu'à la tente, oui toi, enlève tes vêtements." Cris, coups, liens et tirs.
Une mère de deux enfants dont l'un est sur son épaule et l'autre sur ses genoux a crié
"Ne me tue pas, ne me tue pas, je ne veux pas mourir, je veux vivre pour élever mes deux enfants." Un des enfants tombe et le soldat crie : "Prends-le et pars."  Elle serre ses deux enfants dans ses bras et se dirige vers l'ouest.

La vie sous les bombardements 67


Dardi
Le vélomoteur, le sac de farine et la balle perfide qui a pénétré dans le sac et a atteint la poitrine et le cœur. Le sang rouge s'est mélangé au blanc de la farine et il est tombé en embrassant le sac.  Dardi a quitté le centre d'asile pour chercher du pain pour sa mère et sa petite sœur. Il s'est faufilé d'une rue à l'autre, cherchant la farine, pour revenir heureux et ravi d'avoir gagné un sac qui suffirait à sa petite famille pendant des jours. Ils voulait retourner au camp, il voulait être fier parmi ses jeunes pairs.
Les jeunes du camp ont versé d'abondantes larmes pour dire adieu à un jeune homme que les gens aimaient et qui avait un bon cœur et une grande volonté.

La vie sous les bombardements 68

Arrestation rapide.
Va t'en
Sors
Il le suivait avec un bâton rugueux.
La tente de détention est grande, le sang dessine des cartes et des nuages qui courent le long de ses murs.
Depuis des mois, il n'avait pas vu son corps nu. Il n'y a ni  salle de bain, ni miroir. Il ne peut pas croire qu'il est encore en vie. Il s'est préparé à la mort. La mort est plus miséricordieuse que l'enfer des heures précédentes. Il n'a pas pensé au temps.
"Où étais-tu le 7 octobre ?"
  Ce n'est pas grave, il est toujours en vie. Il sent son corps, ses jambes, sa tête, son dos, du sang sur son épaule. Il est vivant, vivant. Oh mon Dieu, je suis vivant. Il verra son enfant , Samar, il verra sa femme, sa mère, il est sûr qu'elle pleure en disant: "Mohammed est parti, Mohammed est parti."
Le froid est âpre, le vent qui arrive de la mer a failli l'emporter, mais il est vivant.
Il lui jeta une couverture qui paraissait vieille. Il a  murmuré des remerciements, sans le regarder et il l'a enroulė sur son corps tremblant. Il a désigné de la main une charrette à âne.
"Mon frère, mon frère, emmène-moi avec toi". Et sans attendre la réponse, il a sauté sur le charrette. Le propriétaire l'a interrompu en disant: "tu n'écoutes pas?" Il a répondu: "tais-toi" et il a ri en ajoutant: " roule, roule ... Je suis vivant. Tu comprends?"



La vie sous bombardements 69

Le testament de Youssef
Il a les yeux verts et il est blond. Ce n'est pas commun pour un Bédouin. Youssef est doué pour allumer des feux. Il est vif d'esprit, courageux, intrépide et souvent rebelle. Il réussit dans toutes les querelles, et il est un communicateur insaisissable en temps de paix ou en temps de guerre.
Les soldats ont encerclé l'abri. Des balles sont tirées dans toutes les directions. L'endroit était rempli de cris de femmes et d'enfants et le sable était mêlé de sang.  Selon les ordres des soldats, les gens ont  fait une longue file. Ils portent leurs enfants, et un peu de leur nourriture et certains de leurs vêtements. Ils sont prêts au diagnostic, à l'inspection, à l'exécution et à l'arrestation. Youssef s'est aligné avec les autres. Il a demandé à son ami de garder son petit sac. Il s'est rendu aux toilettes voisines pour faire ses besoins. Deux balles ont précédé les cris du soldat. La première s'est logée dans son ventre et l'autre dans  sa main. Youssef est tombé. Il a été transporté à l'hôpital. Le lendemain, il dit à son ami : "Retire cette somme de ma poche. C'est pour que mon frère Ahmed se marie. Ne t'inquiète pas pour moi, je vais mourir, mais je te confie ma famille."  Joseph a été enterré dans la cour de l'hôpital.

La vie sous les bombardements 72

Toi et moi nous voyagerons
Il a passé la nuit à réfléchir à la façon dont il pourrait rentrerer chez lui le lendemain  matin. Pourra-t-il supporter la vue des ruines d'une maison qu'il avait construite avant la guerre? Sa femme n'est pas d'accord. Elle dit : " Notre maison se situe dans une zone de combat. Oblie la maison, laisse tomber. Restons ensemble toi, moi et les enfants. Si nous devons mourir,  mourons ensemble. Si nous vivons, nous construirons une nouvelle maison, avec des belles portes et fenêtres, et un petit espace pour un jardin, où nous planterons des œillets et du jasmin. Nous élèverons nos enfants et les éduquerons. Nous les enverrons dans des pays lointains, libres de la guerre et de conflits, pour qu'ils apprennent la médecine et le droit. Toi et moi voyagerons pour leur rendre visite, nous porterons de nouveaux vêtements, nous  prendrons l'avion et nous regarderons les nuages depuis le hublot.
Elle l'a serré dans ses bras en pleurant: je t'en prie,  n'y va pas, reste avec nous.

La vie sous les bombardements 73
Omar et Yara
Il vient depuis  l'autre côté du camp. Elle entend des rires sourds. Il lui raconte le repas du jour : des petits pois en conserve, avec une tomate.  Pas de  viande bien sûr. Ils rient. "Nous avons oublié à quoi ressemble la viande, Omar". Ils rient. Depuis une heure ou deux, ils sont  debout au milieu des tentes. Il n'y a pas de café ici, pas de restaurant ni de parc. Sur la plage, les cuirassés se préparent à un nouveau bombardement. L'hélicoptère bombarde Khan Yunis avec des salves continues de balles. De la fumée s'élève dans le ciel à l'est de Rafah.
"Dis-moi, Omar, quand allons-nous nous marier ?  Quand la guerre finira-t-elle, Sarah ?"  Un long soupir fait suite  au silence et au pleurs. Ne t'inquiète pas, Yara, la guerre achevée, nous aurons un mariage au cours duquel nous danserons et nous chanterons."  "Qui peut garantir,  Omar, que nous survivrons ? Je te le dis, Omar, si tu meurs, je n'épouserai personne d'autre. Tu es l'univers, tu es la paix et la guerre, tu es la joie et la tristesse." Il s'est retourné. Il avait très envie de l'embrasser. Il a voulu l'embrasser... Puis, dans le camps, il y a eu le bruit d'un bus humanitaire transportant des boîtes de haricot... Quelques minutes plus tard, il était vide.


La vie sous les bombardements 74

Carte d'identité
Eid et Hassan sont des amis d'enfance, des cousins. Ils ont étudié dans la même école et dans la même classe. Eid a quitté l'école.  Après le collège il a appris le métier de barbier et il a ouvert une boutique dans le quartier. Tout comme lui, Hassan a quitté l'école pour travailler comme ouvrier dans les champs:  Il récolte les olives, fauche le blé et élève des moutons.
Eid et Hassan se retrouvent tous les jours près du magasin. Ils discutent du présent et de l'avenir, du moment où se marier et du moment où construire une nouvelle maison.
La guerre a éclaté. Eid et Hassan ont fui vers un refuge à Khan Yunis. L'armée a encerclé les lieux et les militaires ont sommé les gens de partir. Eid et Hassan sont partis. Sur la route, Hassan a été blessé et Eid a perdu sa carte d'identité. Eid a porté Hassan sur son épaule puis l'a emmené à l'hôpital sur une charrette tirée par un âne. Le lendemain matin, Hassan est décédé. Eid l'a porté. Il l'a enterré dans le coin sud de l'hôpital. Eid se retrouve seul, sans ami. L'armée a donné l'ordre d'évacuer l'hôpital, et de lever leurs cartes d'identité près de leurs têtes. Eid a brandi la carte de Hassan. Dans un haut-parleur un soldat  dit avec le haut-parleur :
"Vous souffrez et vous le méritez.
Savez-vous où se trouve actuellement vos chefs?
Ils sont dans les hôtels quand vous, dehors, vous ne trouvez pas de quoi manger." Eid tremble de à l'idée d’être découvert. Dès qu'il a pu sortir il a eu l’impression de renaitre.
A Rafah, il a embrassé le père d'Hassan et il a tant pleuré que de grosses larmes ont trempé sa chemise. Eid est sorti de là triste et brisé. Il a pensé : Hassan ne reviendra pas.

La vie sous les bombardements 75

Le vent a secoué violemment les coins de la tente.  Deux heures plus tard la pluie s'est mélée au vent. L'eau s'est accumulée au milieu du toit de la tente. L'homme a déplacé l'eau vers le côté ouest avec ses mains. Le bruit de l'eau fait un gargouillis intermittent.
Il est retourné se coucher, frissonnant de froid, et il s'est enfoncer dans les couvertures qu'il avait reçues de l'UNRWA  au début de la guerre. La femme, sous les couvertures, surveille son mari depuis le début. Les enfants dorment rêvant peut-être à leurs lits chauds qui sont restés là- bas, aux inscriptions lumineuses sur les murs, qui ont, peut-être, été enlevés à cause des bombardements. Les lits sont neufs. Il les a payé peu de temps avant la guerre. Il les a achetés au magasin d'Abu Hassira. Il se demande : "Est-ce que ce grand magasin est toujours là? Peut-être il a été bombardé ou incendié, et que sa fumée s'est élevée en nuages noirs vers le ciel". La femme sent l'anxiété de son mari. Elle dit : " Mahmoud, Mahmoud, allume la radio. Peut-être qu'ils ont accepté, au Caire:  un cessez-le-feu, une trêve ou n'importe quelle bonne nouvelle réjouissante.

La vie sous les bombardements 76

Abu Nader est devenu un expert en déménagement de tente. C'est la sixième fois. Il transporte, d'un endroit à l'autre: vingt-deux morceaux de bois, un long rouleau de plastique, un tonneau, un tuyau et un coude pour les toilettes, une pelle, un marteau, seize clous et un rouleau de cordes pour tout attacher et pour étendre le linge.
Le nouveau voisin dit sarcastiquement à Abu Nader : "La guerre sera longue. Si vous restez en vie, voisin, et que vous n'êtes pas bombardé par un cuirassé dans cette mer, ou par un avion F-16 depuis ce ciel bleu, ou par un canon de derrière cette colline, ou par les incursions militaires du côté nord, c'est l'expulsion vers le sud qui vous attendra. Dans le sud, avec le sable blanc et brillant du Sinaï, les bombardements cesseront et votre voyage sera l'avant-dernier. Peut-être qu'ils ouvriront une école et une clinique pour vos enfants." Abou Nader, en colère, se  leve et a crie: "ca suffit à la fin." Il a mis ses mains derrière son dos et s'est glissé dans sa tente.


Le 22 février 2024

La vie sous les bombardements 77

C'était mercredi soir, fin février, dans le petit camp d'Al-Mawasi où les tentes se sont alignées spontanément. Des faibles lumières sont visibles de loin, ainsi que la fumée d'un feu qui vient d'être allumé pour le dîner. Peu après le coucher du soleil, on entend le bruit des coups de feu dans la rue Al-Rashid, ainsi que les bombardements à l'est du camp. Le bruit des chars approche, et les obus des navires de guerre pleuvent du bord de mer. Les avions Apache se déchaînent et les bombes éclairantes montent vers le ciel. Le haut-parleur hurle: reste où tu es, tu es encerclé. Ils ont pris d'assaut les tentes et les châlets abandonnés depuis des jours. La population s'est rassemblée sur la plage, agenouillée au milieu des chars et des balles silencieuses. Najat n'a pas survécu. Elle a été écrasée par le char alors qu'elle dormait dans sa tente. Naeem est mort en martyr sous le mur derrière lequel il s'était caché. La population a inspecté ses morts et les tentes, après le départ des chars dans la matinée.

La vie sous les bombardements 78

Dis, oiseau
Près de sa tente, il y a une clôture grillagée. Derrière la clôture, un seul palmier se balance et des oiseaux se rassemblent dessus, émettant des sons inharmonieux. Sons du matin, sons de midi et sons du soir. Lors des bombardements, les oiseaux gardent le silence. Quelques uns s'envolent, comme s'ils s'enfuyaient vers la mer, pour revenir le lendemain. Umm Hassan leur jette des restes de nourriture et les oiseaux les ramasse avec appétit. Umm Hassan, derrière la clôture, observe les oiseaux et pleure. Elle se souvient de son fils unique, détenu depuis des semaines. Elle se demande: s'il mange ? S'il dort ? S'il est malade ? Où il se trouve maintenant? Est-ce qu'elle vivra pour le voir ? Quand cette guerre prendra-t-elle fin ? Quand ils se débarrasseront des bombardements et des attaques? Ô oiseaux qui volent dites-lui bonjour, dites-lui que les yeux de sa mère n'ont pas dormi depuis son arrestation.

La vie sous les bombardements 81

Farid
Il a quitté l'école en deuxième année pour travailler avec son père, Alyan, dans l'agriculture, labourant la terre et plantant du gombo. Farid a grandi et, devenu fumeur, il s’est converti dans la culture du tabac syrien. Pendant la guerre et le siège, le tabac est devenu rare.  Son prix a fortement augmenté. Farid, avec sa charrette à âne, vend du tabac d'un refuge à l'autre. Une cigarette jamais éteinte plantée au côté gauche de sa moustache, il sourit toujours, les sourcils foncés. Son sens de l'humour ne le quitte jamais.

Lors d’une nuit de bombardement, au nord de Khan Younès, Farid s'est réveillé et n'a pas  retrouvé son âne. Il est parti à sa recherche. Le matin, Farid a été retrouvé noyé dans son sang. Un obus de canon l'avait touché au milieu de la nuit. Farid est mort.

La vie sous les bombardements 82

Le cerf-volant de Bassem

Bassem a fabriqué un cerf-volant au début de l'année. Son école a été détruite et elle est devenue inaccessible. Sa maison a été démolie le deuxième jour de la guerre. Ici, il n'y a ni balançoires ni terrains de jeux. Bassem vit dans une petite tente, sans livres, sans stylos et sans devoirs. Pas de file d'attente le matin et pas d'examens. À la lisière des tentes, sous un arbre dont les nouvelles branches n'ont pas encore poussé, Bassem et ses amis sont rassemblés depuis le matin et ont fabriqué un nouveau cerf-volant. Ils lui ont confectionné une longue queue, avec des pompons qui dansent au gré du vent. Le cerf-volant s'est élevé vers le ciel, au milieu de la joie immense de Bassem et ses amis. Ils se sont relayés pour tenir la ficelle, leurs yeux levés vers le ciel. Ils profitent de la vue du cerf-volant flottant au-dessus de l'horizon vers la maison.
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